Abstract:
Le français, développement du dialecte nordique picard, autour d’Amiens, dans la Somme, a grandi dans un jardin italien, en s’imposant des règles imitées de la romanité mise en valeur par la Renaissance ; la question posée ici est celle de l’objectivité du jugement porté sur ses qualités d’ordre, de clarté et de sociabilité par le comte Rivarol dans son discours berlinois sur l’universalité de la langue française, le 2 juin 1784, comme si seule une certaine provenance étrangère pouvait exceller, dans la compréhension d’une logique linguistique, se demande l’auteur. De Madame de Staël au grammairien Wallon Maurice Grevisse (1896-1980), une maîtrise du français semble requérir une certaine distance avec le tempérament national.
Machine summary:
La clarté de la langue et sa logique se seraient affermies au fur et mesure qu’un Etat, à savoir un monarque – royal ou républicain, sacré ou laïque- et ses fonctionnaires disciplinaient un peuple divers, mais incapable d’unir ses composantes pour maintenir un foyer politique et culturel autonome; comme ces principautés allemandes en lesquelles Goethe, autre ami de l’Iran mystique musulman, a vu avec raison l’essor fécond et durable, constant de la culture et de la liberté de 1 Il s’agit du fils naturel du légendaire Empereur d’Allemagne islamophile Frédéric II Hohenstaufen, lequel jeune homme aurait été, selon des chroniques douteuses, défait par le comte d’Anjou en Italie et tué, à la bataille du Bénévent, le 26 février 1266, et non pas de la fiction romanesque poétique donnée par Byron d’un être fantastique, et que le goût de Frédéric Nietzsche, et surtout, en 1848, celui bien supérieur de Robert Schumann, tous deux, du reste, fort dépressifs, a mis en musique.
Très caractéristique à cet égard est la citation que nous avons faite incidemment, sur le site de la radio iranienne, de la lettre du 20 mai 1771, de Voltaire à son ami de jeunesse et membre de l’Académie française, militaire renommé, le maréchal et duc de Richelieu: «Je juge, à vue de pays, que notre nation a été toujours légère, quelquefois très cruelle, qu’elle n’a jamais su se gouverner par elle-même, et qu’elle n’est pas trop digne d’être libre» Avant d’y répondre, en laissant le lecteur parcourir ces pages rivaroliennes les plus nobles écrites par un homme qui risquera plus tard de perdre la tête au premier éclatement de l’orage parisien, et devra sa survie à l’exil volontaire bruxellois, nous pouvons consulter un Français de l’intérieur, et du reste correspondant sympathique de Gobineau, l’illustre breton Ernest Renan (1823-1892) qui rejette la thèse de l’identité 1 Cf. notre article dans «Ernst Jünger», les Dossiers H, éditions L’Age d’Homme, 592pp, Paris, 2000, p.