Abstract:
L’impuissance langagière et le désir de communication se trouvent ensemble dans le monde détruit de Fin de partie où les personnages s’efforcent sans cesse, de lutter contre le silence absolu, de garder le contact à tout prix et d’avoir même un minimum d’échange verbal. Affaiblis dans la communication interne qui se manifeste spécialement dans leurs délires verbaux, ils recourent donc à toute communication externe qui exige nécessairement la présence d’autrui, d’un interlocuteur. Alors tout dialogue exige une dualité essentielle qui aboutit parfois aux violences verbales et physiques dans la communication pour enfoncer finalement la parole dans le non-sens et le silence.
Cet article a pour objet les mécanismes du langage qui participent à la formation de l’incommunicabilité verbale dans Fin de partie. A cause d’un langage infirme, l’incommunicabilité prévaut le plus souvent contre le désir de la communication et on est témoin de cette « tension » inlassable jusqu'à la fin de la pièce.
Machine summary:
Mais dans Fin de partie où tout se disloque au profit de l’absurdité, la modification en mieux ou en pire ‒ amélioration ou aggravation ‒ au niveau du langage, du texte et des personnages mêmes, semble contredire le non-sens et l’immobilité de la pièce puisque l’interrogation abordée par Beckett semble plus ou moins s’écarter de ses fonctions traditionnelles.
Un emploi détourné Comme on a déjà mentionné dans Fin de partie tous les personnages sont en quête de toute communication possible et si l’emploi de la forme interrogative abonde dans le texte, ce n’est que pour prolonger le temps de contact verbal.
Bien que l’interrogation vraie, contrairement à l’interrogation rhétorique, serve dans Fin de partie à restreindre la productivité langagière, elle vise également à prolonger le temps de contact verbal, par l’abondance successive des interrogations.
Un choix dramatique Par manque de sujet de conversation et de thème, les personnages sont contraints de s’appuyer sur le système d’interrogation pour recommencer la parole qui risque d’être remplacé dans un instant par le silence absolu et enfin de se taire et c’est toujours Hamm qui joue le rôle d’interrogateur le plus souvent par ses « interrogations modales totales » (Leblanc, 1997, 17-18).
Alors il semble que dans Fin de partie tout personnage soit divisé, soit éloigné de sa propre personnalité pour être intégré avec l’autre dans un ensemble imprécis et obscur où en dépit de certaines formes d’expression consacrées à chacun des personnages (par exemple, le désir de partir met en évidence la réplique de Clov et les verbes impératifs n’appartiennent qu’à Hamm) la détermination des frontières verbales semble assez difficile.