Abstract:
Le lyrisme de Louis Aragon, se fondant sur la circonstance historique et
portant une coloration héroïque, se réconcilie avec le modèle épique et justifie
l’impropreté de l’opposition épique-lyrique à qualifier la poésie de
Résistance.
Soucieux de la forme poétique, Aragon partage avec les
Rhétoriqueurs des vers rimés de la poésie médiévale, qui agissent comme
un miroir permettant de refléter la réalité de la guerre, l’histoire
immédiatement contemporaine qui porte l’allure de l’héroïsme à fin
d’échapper à la censure. Cette historicité de sa poésie est pour qu’il
chante l’Histoire mais aussi pour poursuivre la mémoire collective et
nationale. Le poète a l’ambition de faire entendre la voix de tous, et
finalement la voix de la France soit sous les images flottantes des mythes
soit sous celles de sa femme aimée, Elsa.
Mais il ne se contente pas d’être un simple héritier et se mettant à la
recherche des rimes nouvelles, dans la lignée de Hugo, tente de libérer
l’alexandrin et invente en particulier la rime enjambée, pour justifier le
refus de l’idée selon laquelle la rime serait usée et incapable d’exprimer
une réalité nouvelle.
Enfin l’oeuvre aragonienne est orientée vers le destinataire, en donnant
vie à un aspect informatif et didactique et portant son message politique
implicite qui est à la tradition des poèmes des rhétoriqueurs. C’est au-delà
de l’héroïsation des combats et de leurs acteurs qu’Aragon cherche à
confronter l’espoir voire à susciter l’héroïsme chez les destinataires.
Au fait, le poète engagé cherche à refonder la communauté nationale
de sa patrie, sa bien aimée, déchirée et divisée par la guerre, en basant ses
efforts sur ce qui est resté de l’identité de son pays, le langage qui coule
dans la mémoire collective de ses compatriotes pour leur lancer un appel
implicite visant à sauver leur amour commun, la France.